Construction de kaz pétrels, l’action de la dernière chance ?

La découverte de deux colonies de reproduction de Pétrels noir de Bourbon en 2016 et 2017 fut un signe d’espoir pour la sauvegarde de ce joyau endémique. Grâce à elle, nous avons fait un pas de géant dans la connaissance de l’espèce mais nous avons également confirmé le caractère urgent de la mise en place d’actions de sauvegarde, parmi elles la mise en place d’une action de la dernière chance : les colonies artificielles !

Depuis 2 ans, le suivi des colonies de reproduction a permis de baguer 76 individus adultes ainsi que 15 poussins sur les 19 ayant pris leur envol. Ceci est un vrai succès car nos équipes, qui n’ont constaté aucune reproduction aboutie en 2017, constatent aujourd’hui 60% de succès de la reproduction. Pour cette saison, nous avons recensé 19 pontes, soit 3 de plus que la saison précédente : nos efforts sont donc encore récompensés.

Suivi démographique des deux colonies de Pétrel noir de Bourbon

Cependant, tout n’est pas aussi simple ! En effet, les pressions anthropiques exercées sur le Pétrel noir de Bourbon (prédateurs introduits, plantes invasives) ont poussé l’espèce à se reproduire sur de toutes petites zones refuges où il est difficile pour eux de creuser plus de terriers qu’il n’en existe déjà, limitant le retour des jeunes reproducteurs issus de la colonie. Nous avons constaté, sur la plus petite des deux colonies, une forte densité d’individus non reproducteurs, qui se déplacent de terrier en terrier. Ceci donne lieu à des conflits territoriaux quasi journaliers entre les individus pour l’attribution du terrier, entrainant malheureusement l’expulsion hors des terriers de certains œufs, et par conséquent l’échec de la reproduction

Afin de pallier ce problème et de faciliter le contrôle des prédateurs, il existe une solution innovante : la création de colonies artificielles. En 2017 et 2018, nous avons donc installé 2 colonies artificielles à proximité des colonies naturelles. Ces colonies sont constituées d’une vingtaine de terriers artificiels enfouis dans le sol, couplés à un système d’attraction acoustique autonome, qui diffuse les cris du Pétrel noir la nuit et imite l’activité sonore d’une colonie naturelle. 

Fait exceptionnel, dès la première saison de reproduction suivant l’installation des colonies artificielles, nous avons constaté la présence du premier individu le 30 octobre2018 grâce aux caméras à détecteur de mouvements utilisées pour le suivi. En janvier 2019 nous avons contrôlé notre premier individu dans un terrier, qui, à notre grande surprise était déjà connu de nos services. Cet oiseau avait été bagué jeune par le réseau de sauvetage de la SEOR au début du projet en 2015 à la suite à son échouage sur une des plages de Saint-Pierre. Relâché peu après, il est probable que pour son premier retour sur sa colonie de naissance, il ait choisi, un de nos terriers artificiels pour s’installer. En février, dans le même terrier nous baguions un deuxième individu.

Au mois de décembre 2019, nous avons enregistré une activité record sur cette colonie artificielle, avec la présence d’individus chantant au sol et entrant dans des terriers pendant 24 des 28 nuits d’observation sur le site. Au minimum, ce sont maintenant 3 individus qui s’approprient peu à peu leurs nouveaux logements .

Si la présence d’individus sur ces colonies constitue un premier succès, nous espérons maintenant que la première reproduction dans l’un de ces terriers ait lieu très prochainement. Ceci apporterait une solution durable au manque d’espace et permettrait ainsi de diminuer les conflits intra-spécifiques tout en facilitant la gestion des prédateurs et le suivi scientifique. Cette action est donc un véritable succès de conservation et donne une réelle chance de sauver l’espèce !


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